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Et si Revolut débarquait un jour au Luxembourg : ce que cela pourrait changer

« J’ai patienté six semaines pour que ma banque daigne répondre à la demande d’ouverture de compte », confie un jeune entrepreneur luxembourgeois rencontré dans un coworking de la capitale. Cette anecdote, loin d’être isolée, reflète les difficultés documentées que rencontrent certaines PME ou start-ups au Luxembourg pour obtenir un compte bancaire professionnel.

Chaque semaine, des entreprises contactent l’ABBL (Association des Banques et Banquiers du Luxembourg) ou la CSSF pour signaler des blocages ou des demandes de documents supplémentaires. En 2024, un débat parlementaire a même porté sur la question, certains députés soulignant que des start-ups ayant des “capitaux russes” se voyaient refuser l’ouverture d’un compte, pour des raisons de conformité ou de “profil de risque”. 

Dans ce contexte, imaginons que Revolut (ou une néobanque comparable) décide de s’implanter sérieusement pour les entreprises luxembourgeoises. Que pourrait-elle changer, et pourquoi ce serait une bonne chose ?

1. Des délais comprimés : de semaines à jours

Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’une banque demande des extensions de dossiers, des preuves supplémentaires (origines des fonds, business plan, bénéficiaires effectifs…), et que cela prenne plusieurs semaines. Pour une jeune structure, chaque jour compte.

Revolut, dans ses marchés actuels, se vante de processus largement automatisés : vérification d’identité, ouverture d’IBAN, connexion à des outils tiers, souvent en quelques heures ou jours. (Rappelons que la partie Business représente aujourd’hui 15 à 25 % des revenus de Revolut, ce qui témoigne de l’importance qu’elle y accorde).

Au Luxembourg, cela signifierait notamment : pouvoir commencer à facturer plus tôt, éviter les retards dans les paiements, ne pas bloquer les contrats pour “attente bancaire”. Une PME qui décroche un client international pourrait commencer les flux entrants sans attendre un mois.

2. Tarification claire, prévisible et moins cachée

Beaucoup d’entrepreneurs témoignent qu’une fois le compte ouvert, des frais “surprise” apparaissent (virements internationaux, commissions de change, commission d’inactivité, etc.).

Or Revolut propose des modèles d’abonnement (avec paliers “Business”, “Scale”, etc.) où les services (comptes en devises, cartes virtuelles, paiements internationaux) sont inclus ou clairement tarifés.

Si cela arrivait, les entreprises luxembourgeoises gagneraient en visibilité financière : savoir exactement combien coûte un transfert, une transaction en dollar, une conversion de devises. Cela réduirait l’effet “secret bancaire” des frais cachés, et pousserait les banques traditionnelles à repenser leurs marges.

Un véritable levier pour les entreprises internationales et le commerce cross-border

Le Luxembourg est un hub pour les entreprises internationales. Beaucoup travaillent avec des clients ou fournisseurs hors d’UE, nécessitant des conversions de devises ou des transferts dans le monde entier.

Revolut permet déjà, dans plusieurs pays, de détenir plusieurs devises, de faire des conversions proches du taux interbancaire, et d’envoyer des virements rapides à moindre coût. Grâce à cela, une PME luxembourgeoise qui facture en livre sterling, en dollar ou en franc suisse pourrait éviter les gros spreads de change imposés par les banques classiques.

Cela renforce aussi l’attractivité du Luxembourg : si une société étrangère sait qu’elle peut ouvrir un compte fiable, international, digital, cela peut devenir un argument pour s’installer ici.

Intégration de services “adjacents” : cartes, outils de gestion, analytics

Revolut Business propose déjà des outils intégrés de gestion : cartes physiques/virtuelles, contrôle des dépenses, intégrations avec des plateformes comptables, tout dans une interface unique.

Dans un scénario luxembourgeois, cela réduirait le besoin de jongler entre la banque, le logiciel de comptabilité, l’outil de paiement, etc. Pour un entrepreneur, cela veut dire moins de friction, moins d’erreurs manuelles, un tableau de bord unifié.

Une pression salutaire sur les acteurs en place

Dans plusieurs pays, l’arrivée de néobanques a forcé les banques traditionnelles à moderniser leur propre offre. Si ici Revolut s’impose comme une option crédible, les grandes banques luxembourgeoises (et de la place) seraient contraintes d’accélérer leur digitalisation, revoir les délais, les tarifs, les services.

Cela serait une bonne chose pour les clients : plus de choix, plus d’innovation, et une “course à la qualité” favorable aux entreprises.

Les précautions nécessaires pour innover sans fragiliser

Naturellement, une arrivée de Revolut ne doit pas être idéalisée sans nuance :

  • La sécurité et la conformité sont fondamentales au Luxembourg. Le cadre réglementaire exige des contrôles stricts anti-blanchiment, des audits et une supervision rigoureuse.

  • Revolut a déjà été critiqué pour des blocages de comptes ou des suspensions automatiques dans des cas de détection de risque, sans explication claire pour le client. (Des entreprises ont été empêchées d’utiliser leur compte pendant des semaines).

  • Le support client à l’échelle et la réactivité en cas de litige seront déterminants.

  • Il faudra que les autorités luxembourgeoises — CSSF, banques centrales — s’assurent de la stabilité, de la protection des dépôts, et du bon fonctionnement d’un acteur digital.

Mais ces défis sont surmontables et même souhaitables. Ils forcent la qualité.

En guise de conclusion : un “appel à vigilance” et de l’ambition

L’arrivée hypothétique de Revolut sur le segment des entreprises au Luxembourg n’est pas un rêve lointain. Avec plus de 50 millions de clients dans le monde et des revenus en forte progression (3,1 milliards de livres en 2024), l’entreprise cible déjà les marchés B2B comme une de ses priorités.

Si Revolut décide d’investir ici, cela pourrait devenir le catalyseur d’un écosystème financier modernisé — plus rapide, plus transparent, plus adapté aux besoins des PME et start-ups.

Mais pour que cette hypothèse devienne bénéfique, il faut que les acteurs (entreprises, banques, régulateurs) anticipent dès aujourd’hui les scénarios. Il est temps d’ouvrir les yeux, de se poser les bonnes questions : sommes-nous prêts à accueillir une fintech de cette envergure ? Quels garde-fous faudra-t-il mettre en place ? Comment préparer les entreprises à tirer parti de cette disruption, plutôt que de la subir ?